Par Guillaume LE FOYER DE COSTIL

Une révolution électronique silencieuse se déroule dans nos campagnes ; depuis le début de cette année, la plupart des propriétaires d’équidés se trouvant sur le territoire français (c’est-à-dire les chevaux, poneys, ânes, zèbres et peut-être même les hippopotames de compagnie) doivent leur faire porter, sous le cuir, une puce électronique, détectable au moyen d’un appareil spécial, destinée à les identifier de façon sûre par télérapprochement avec le fichier national SIRE (Service d’Identification et de Recherche des Equidés).

Cette mesure, qui sera prochainement transposée à la filière bovine, est un exemple parfait des bienfaits indiscutables du progrès des technologies de l’information ; grâce à cette innovation, rendue possible à un faible coût par les progrès de la miniaturisation et de l’innocuité corporelle des composants semi conducteurs, on va enfin arrêter de pendre les voleurs de chevaux ; ceux-ci cesseront leur coupable activité faute de débouchés ; comment, effet vendre aux abattoirs un pur sang volé dans le pré d’un éleveur trop confiant, si une rapide détection électronique révèle instantanément son origine frauduleuse ?

Cet exemple frappant d’une innovation électronique simple et indiscutée, due au bon sens des haras nationaux, est à rapprocher des gesticulations gouvernementales que provoque la simple évocation de la licence globale de téléchargement des œuvres numériques, et des trésors de recherche et développement appliqués aux techniques anti-copie visant à la sécurisation des supports numériques

Le marquage électronique d’un cheval empêche son propriétaire d’en être privé par un voleur ; il ne viendrait pas à l’idée de l’avocat de ce voleur de tenter d’excuser son client en plaidant, comme pour un téléchargeur de musique, : « celui-ci n’a pas troublé l’ordre public, puisqu’il n’aurait jamais eu les moyens d’acheter le cheval qu’il a volé ».

Les avertissements figurant dans les produits divers de l’industrie des médias prennent les consommateurs pour des imbéciles lorsqu’ils leur serinent que « le téléchargement illégal c’est du vol ». Cette assimilation simpliste de deux infractions radicalement distinctes, qui tend à étendre la réprobation sociale du vol à la copie privée illégale, est une imposture intellectuelle, perpétrée au profit d’intérêts privés qui refusent d’acquitter la légitime rançon de leurs succès. Le fredonnement sous la douche des airs à la mode sera-t-il bientôt pourchassé par la SACEM ? Si cela se produit un jour je m’installerai dans l’URSS de Staline ; là bas, au moins, dans cet autre temps d’oppression, situé dans un autre lieu, le droit d’auteur n’existe pas et on peut réciter publiquement « Liberté » sans verser d’argent aux héritiers de Paul Eluard.

Il est temps que la Loi intervienne, et qu’elle applique à ce secteur de l’économie les vraies solutions pratiques que l’imagination humaine a mis au point, en mettant à profit son aptitude à gérer l’approximation des relations mutuelles des hommes par la solution du forfait.

C’est en effet cette méthode de valorisation des rapports humains qui a jusqu’ici assuré depuis des siècles la réussite de l’humanité dans bien des domaines.

L’introduction de la technique du fermage dans les baux ruraux, qui évite de compter les grains de blé et les seaux de lait, a-t-elle ruiné les propriétaires terriens ? Sûrement pas.

Le choix de la communauté réduite aux acquêts dans le régime matrimonial légal, qui exclut tout compte détaillé des dépenses et impenses des époux durant le mariage, a-t-il tué cette institution ? Non évidemment.

La technique des dommages intérêts, qui permet au juge de déterminer par simple affirmation la réparation forfaitaire d’un dommage, dans quelque domaine que ce soit, a-t-elle conduit le gouvernement à interdire la circulation automobile ? bien sûr que non.

Et, plus simplement encore, la méthode de la mensualisation du salaire a-t-elle conduit les entreprises à mettre en régie l’activité de leurs employés, par peur de payer des heures de travail non faites ? Assurément pas.

Alors, dans un tel contexte, qu’est ce qui empêche les pouvoirs publics, pour mettre fin à cette guéguerre sans avenir, et, parce que la technique si efficace et performante du téléchargement peer to peer est impossible à réprimer sans une profonde régression sociale, d’introduire l’obligation de la licence globale conférée à l’internaute par le seul abonnement au fournisseur d’accès ?

Serait-ce le regret de voir lui échapper une occasion de contrôler nos pensées et nos désirs ? On ne peut l’imaginer ; encore que le spectacle du plaisir policier à l’inspection de l’intérieur de nos autos permette d’avoir des doutes. Alors dissipons les bien vite !

Il suffit que la Loi dise que toute œuvre mise à la disposition du public sur un support numérique est susceptible d’être diffusée par reproduction par le biais du réseau, du moment que l’opération se réalise gratuitement, et qu’elle ne se fait pas au moyen de sites de téléchargement comportant de la publicité (dans ce dernier cas il suffit de poursuivre les annonceurs, ça c’est déjà fait). Et tout cela sera financé par une redevance forfaitaire versée par les fournisseurs d’accès, et payée tout aussi forfaitairement par leurs clients.

Et il ne restera à poursuivre que les enregistrements sauvages en salle de la Callas et les films de cinéma reproduits par capture visuelle de l’écran, c’est-à-dire pas grand-chose.

Notes

Rappelons que jusqu’au 31 décembre 2005, l’obligation de pucer les chevaux concernait seulement : les poulains nés à partir du 1er janvier 2004, les équidés qui entrent à l’abattoir, Les équidés d’origine non constatée nouvellement identifiés, les équidés nouvellement importés et enregistrés, les reproducteurs, étalons et baudets et les poulinières, juments et ânesses, qui ont une activité de reproduction ;

Depuis le 1er janvier 2006, la pose d’un transpondeur concerne tous les équidés.

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